Réflexion : nous n'avons pas de "journalisme" communautaire dans le monde du libre 2015-08-31

Un récrit fréquent dans nos communautés est que nous sommes mauvais en communication, aussi bien entre nous que vers ceux n'y appartenant pas (public non initié, journalistes, politiques et autres), et, force est de constater qu'à quelques exceptions notables (pas besoin de les lister, c'est les structures que tout le monde connait) nous sommes tristement assez proches de nos clichés. Là où, de manière surprenante, nous n'en sommes pas si proches c'est lorsqu'il s'agit d'y trouver des solutions qui marchent pour la majorité. Dire que n'avons rien tenté serait profondément malhonnête, mais depuis mon arrivée dans ce milieu, le discours ambiant n'a vraiment pas évolué de :

  • c'est important de communiquer
  • tu dois communiquer
  • (avec pas mal de la chance mais c'est considéré comme évident en général) voici un ensemble d'outils (blogs/autres), lieux (mailing listes/forums)

Nous avons quasiment 1000 livres pour apprendre à programmer avec/en Python mais nous ne sommes toujours pas foutus d'avoir le moindre livre de référence sur comment communiquer, que ce soit entre nous ou vers les autres et les autres documents sur ce sujet sont rares, pauvres et peu connus. Par conséquent, qui communique dans nos communautés aujourd'hui ? Ceux qui ont appris à la dure, qui ont pris le temps de le faire, aiment peut être le faire, ont peut être une intuition sur comment le faire ou ont peut être été formés pour ... bref, pas grand monde.

« Il suffit donc d'écrire ce livre pour résoudre ce problème ! » vous allez me dire (ou pire « Il suffit donc que tu écrives ce livre » ce qui serait une bien mauvaise idée) ce qui, même si ça serait un grand progrès, serait passer à côté de nombreux problèmes :

  • communiquer bien prend du temps, voire beaucoup de temps, du temps que tout le monde n'a pas forcément ou pas envie de mettre là dedans
  • communiquer prend aussi de l'énergie, voire beaucoup d'énergie, ce qui est soumis aux même contraintes que le temps
  • apprendre à bien communiquer est un processus long et fastidieux
  • communiquer est un processus qui peut être intimidant voir effrayant, en particulier dans certaines de nos communautés qui sont connues pour ne pas être tendres voir peuplées de flames war ou trolls velus.
  • certaines personnes ne trouvent ça simplement pas amusant voir profondément chiant à faire et dans des activités basées sur le bénévolat et les volontés personnelles ça passe simplement à la trappe (à titre d'exemple : je trouve ça personnellement chiant à faire et un article, celui-ci compris, est véritablement insupportable à rédiger pour moi, je passe plusieurs minutes par phrases)

En effet, quelque chose que l'on apprend en programmation c'est que cela ne sert à rien de se concentrer sur optimiser une partie d'un programme si l'on ne peut qu'attendre au maximum que quelques pourcentages d'amélioration, il faut se concentrer sur les parties où l'on sait que l'on pourra aller bien plus loin. Il est illusoire d'espérer voir un jour l'ensemble des acteurs de nos communautés se mettre à communiquer, aussi bien entre nous que vers l'extérieur.

Alors qu'est-ce qu'on fait ? Est-ce qu'on veut vraiment continuer d'avoir une communauté où la communication (et donc la visibilité) est laissé aux personnes qui ont le privilège d'avoir le temps, l'énergie et le savoir suffisant pour le faire ? Et que tou·te·s les autres vivent dans l'oubli et sans être reconnu·e à leur juste valeur ? (J'ai volontairement mis de côté les projets tellement ultra géniaux (et surtout généralement très vieux) que d'autres se chargent de la communication à leur place, ce sont une minorité) Je pense qu'il va être temps que l'on change de stratégie et que l'on se mette à avoir des personnes ou structures qui se chargent d'une partie de la communication pour les autres.

Mais avant de communiquer bien à l'extérieur, il serait bien de déjà commencer par le faire entre nous. Un copain m'a un jour dit « vous êtes une communauté bizarre, vous n'avez pas d'histoire de vos luttes » Communiquer entre nous, ça permettrait entre autre de nous fédérer, mieux nous connaitre, constituer une histoire commune et de grandir ensemble.

Il y a toutes ces personnes qui se connaissent à peine entre elles et qui font des choses géniales mais pour lesquels bien trop peu sont au courant. Même des structures comme la SNCF sont foutues d'avoir des gazettes internes, mais chez nous, où sont nos "journalistes" de nos communautés ? Où est notre gazette des copains pour les copains par les copains ? Où est-ce que je peux aller pour me tenir au courant de ce qui se passe dans notre petit monde sans être sur 15 ml, 30 chans IRC et 1500 abonnements twitter ? Lire des articles de certains qui ont pris la peine d'aller découvrir de nouveaux projets ou structures, de discuter avec leurs membres et de revenir porter leurs parole et la rendre visible ? Qui me parle des petits, des acteurs locaux, de ceux qui font un travail de fond mais dont on entend pas parler (et pas "yet another" article sur Ubuntu ou Mozilla) ?

Je veux notre journal des copains par les copains pour les copains, qu'on arrête de vivre chacun dans notre coin en s'entre-ignorant, volontairement ou non, et que la visibilité soit l'apanage d'un groupe bien trop petit.

Il existe déjà le Framablog de Framasoft qui se rapproche le plus, à ma connaissance, de ce que je décris (et un grand merci à eux) mais je pense que nous pouvons (et devons) aller bien plus loin.

« Alors, est-ce que tu vas faire quelque chose ? » Je ne sais pas, d'un côté cette réflexion est encore fort jeune (elle date d'avant-hier), le temps est une ressource rare et j'ai bien conscience des problèmes que lancer un "journal" pourrait engendrer (lutte de pouvoir, biais, transmission non fidèle de l'information, appropriation, entre autres), de l'autre, c'est une idée qui mérite d'être creusée et testée sur le terrain et j'ai déjà plusieurs personnes intéressées par l'aventure et je réalise que je fais déjà en partie cela avec HackerAgenda (en Belgique) et la radio et que j'aime beaucoup ça mais que c'est loin d'être suffisant. Affaire à suivre ?